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toit de la diligence. L’hôte offrait ses services, le bonnet à la main, le tablier troussé sur le côté. Des marmitons allaient et venaient, flairés par une famille de chiens efflanqués qui témoignaient par leur maigreur et par leurs cris qu’on les nourrissait de coups et de vitupère dans ce lieu regorgeant de victuailles et tout bourdonnant d’un bruit continu de casseroles et d’assiettes. Des commères à peine vêtues, et montrant des gorges moins agréables que celle de la figure assise, contemplaient le spectacle de leurs fenêtres. On pouvait craindre que, par distraction ou par malice, elles ne laissassent choir leurs appas dans la cour sur des têtes infortunées. Leurs caquets, d’étage en étage, soutenaient l’harmonie que formaient les cris des chiens, l’ahan des valets, les exclamations, les colloques des voyageurs, les sonnailles, le piaffement des chevaux et le verbiage injurieux des palefreniers.

— Il n’y aurait pas ici une demoiselle Raton qui vient de Bayeux ?… Ou plutôt de Balleroy. Une demoiselle Raton attendue par Mme la Duchesse ?… Mme la Duchesse d’Aiguillon.

L’arrivant qui criait ainsi d’une voix de stentor était un laquais doré sur toutes les coutures. Son air insolent, sa mine rubiconde, son ventre replet, et « Mme la Duchesse » dont il avait plein la bouche, en