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— Lapin, je t’aime mieux dans le plaisant, dit l’hôtesse qui s’était éclipsée quelques minutes et s’employait à empêcher ses filles d’étouffer l’abbé sous leurs transports. Mais, ajouta-t-elle tout bas en le tirant à l’écart et tournant le dos aux regards indiscrets, je te dois cinq cents livres, selon ma promesse. Qu’aurais-tu dit, si je vous avais laissés partir, insensé ?… Tu n’y songeais vraiment pas… Tiens, empoche, scélérat !

— Merci, Mère ! fit l’abbé. Ta parole vaut de l’or. Cependant, tout ce mystère ne convient pas. Raton, prends ces cinq cents livres qui sont le prix de l’agnelle innocente. Il ne sera pas dit que je l’aurai vendue… Tous les jours, je prélèverai sur mon gain d’histrion pour ajouter à ta dot, car il n’est pas de petites économies, comme on dit au Marais. Oui, je me passerai de râpé… Et toi, Mère, soutiendras-tu encore que je suis ivre ou que je suis fou ?

— Je ne sais, dit la Gourdan. Ou plutôt je ne sais où la vertu se va nicher !… Mon Dieu ! faut-il qu’un vieux fou me trouble depuis une heure ?… Ah ! je t’embrasserais, Lapin, si je ne te soupçonnais d’être malade comme ton Psalmiste…

Raton ne partageait pas la crainte de l’hôtesse. Elle entoura de ses bras nus la tête de l’abbé. Ils pleurèrent tous deux en silence.