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HISTOIRE DE PEIXOTTE ET DE LA RELIGIEUSE
BORDELAISE

Le sieur Peixotte, dit l’abbé, demeurait encore à Bordeaux. Un matin qu’il se rendait à ses friponneries d’agioteur, quelque embarras de voirie lui fait mettre le nez à la glace de sa chaise. Une jeune religieuse d’une rare beauté, occupée à se garer des éclaboussures et des crottes — il en est ailleurs qu’à Lutèce, — lève par hasard les yeux sur lui, et voilà notre homme envahi de désirs coupables. Il pense se jeter à bas de sa chaise. Le temps de mouvoir son gros corps, la religieuse est déjà loin : le respect de chacun pour son habit lui facilite le passage ; la Charité lui donne des ailes. Enfin, le pavé devient libre. Le sieur Peixotte, bouillonnant d’impatience, donne vingt livres à ses porteurs pour rejoindre la cornette blanche qui va disparaître.

— Suivez-la, sachez son nom, découvrez son couvent !

Les deux faquins de galoper à perdre haleine comme des Savoyards.

Quand ils reviennent, le sieur Peixotte, toujours dans sa chaise où il fait figure de magot de la Chine, apprend que la religieuse se nomme Rose ; elle appartient aux Sœurs Grises, communauté charitable particulièrement dévouée aux indigents et aux infirmes.