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demoiselles sylphides attachaient leurs yeux sur elle en chantant, en dansant, même en reposant, jalouses de l’approbation qu’elles épiaient sur son visage pour un geste, un pas, une note soutenue, une attitude, et toujours craintives de lui déplaire, sans pourtant se départir d’une aisance apparemment naturelle.

Le salon même était un chef-d’œuvre de goût, bien que le faste affecté de ces endroits, mais là véritable, eût répandu la dorure, érigé des colonnes et des autels fumants, et drapé à l’antique quelques voiles de pourpre. Il s’y voyait les ouvrages des meilleurs peintres, qui luttaient avec les tons des fleurs et des feuillages vivants, dans la décoration des murs, des plafonds et des trumeaux. Les statues en étaient façonnées par un Pygmalion que n’avaient pas révolté les nouvelles Propétides.

Ce fut dans ce lieu, où tout concourait à l’enchantement et la surprise, que pénétrèrent sans transition l’abbé Lapin et sa compagne, après avoir gravi l’escalier de la soupente et poussé les battants d’une fausse armoire. Surprise du contraste entre la boutique sordide et le luxe d’un salon qui passait en richesse les appartements de M. le Duc et de M. Peixotte, Raton tourna instinctivement la tête vers la porte qui lui avait donné accès. Mais son regard ne rencontra que des panneaux sans dissemblance où voltigeaient des Amours balançant des