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redouter. Je ne te remplacerai pas. En t’attendant, je me ferai servir par mes lingères. Si le Chevalier de Balleroy retournait à Bayeux, j’aurais par lui de tes nouvelles : il n’aurait qu’à questionner son piqueur ou son maître-valet. Mais il prend un congé et ne retournera pas d’aujourd’hui sur ses terres, où il a couru le lièvre et la grosse bête à suffisance.

« Je m’étais habituée à toi, ajouta Mme la Duchesse, qui songeait à la sécurité qu’eût prêtée à ses amours la complaisance de Raton. Voilà qu’il me faut te perdre ! C’est toujours ainsi… Je ne m’en plaindrai pas davantage : la volonté de Dieu soit faite ! Au moins, promets-moi de ne demeurer que le temps nécessaire, et même de revenir si les craintes que l’on te donne n’étaient pas fondées. Quand nous serons rentrées, je te paierai ton voyage et te donnerai encore quelque chose pour toi et ta nourrice. Tout à l’heure nous prierons Dieu qu’il la guérisse et te la conserve. »

Raton exprima sa reconnaissance à sa maîtresse en lui baisant la main à son habitude, mais sans ressentir aucun remords de l’avoir abusée. Elle prit même un air de circonstance que Mme la Duchesse voulut bien faire paraître, elle aussi, pour marquer qu’elle compatissait aux misères de ce monde, alors qu’elle ne songeait qu’au petit embarras où la mettait le départ de Raton.