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empruntait ces vers. J’avais une maîtresse au couvent de San Giacomo di Galicia, dans l’île de Muran. Elle s’appelait Maria-Magdalena, le nom de la plus charmante des saintes. La plus méritante aussi, car elle a beaucoup aimé… Maria-Magdalena Pasini chérissait une compagne, Catherina Campagna. Elle en était si peu jalouse que j’en pouvais jouir également. Un Vénitien de mes amis, le Chevalier Casanova de Seingalt, que j’ai retrouvé ici, était lui-même caressé de toutes les deux… Oui, que ne sommes-nous à Venise, mon enfant ! Je t’aurais fait entrer à San Giacomo et nous nous serions bien divertis tous les cinq, dans mon casino de Muran, si bien aménagé ! Hélas, ce temps n’est plus ! Maria-Magdalena s’est rejetée dans l’amour divin. Je crois que j’en vais faire autant, car je vieillis. On ne m’appelle plus la Belle Babet. Je ne suis à présent que Monseigneur ou Son Excellence…

En attendant son retour à Dieu, Monseigneur balançait Raton sur ses genoux. Lui-même suivait le mouvement qu’il imprimait. Il croyait peut-être voguer en gondole sur la lagune en serrant contre lui Maria-Magdalena. Le sein qu’il caressait lui rappelait peut-être le dôme de Santa Maria della Salute, quand il s’élève de l’Adriatique aux yeux du barcarol.

— Je veux, reprit M. de Bernis, interrompant sa