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oreille et me fit de la tête un signe qui voulait dire, je suis sourd.|90}}
Nous continuâmes notre promenade, et comme je me retournai pour l’examiner encore, je le vis agenouillé sur une plate-bande pour arracher quelques herbes ; mais dès qu’il s’aperçut de mon mouvement, il porta rapidement l’index à ses yeux, sans doute pour me faire comprendre que, s’il avait perdu l’ouïe, il avait la vue bonne.
Vous savez qu’à force de précautions, on m’a rendu circonspect, j’allais dire méfiant. Je me dis en moi-même : « Oh ! cet homme est là pour m’épier, ou il espère m’être utile. Dans l’un ou l’autre cas, je dois m’abstenir de tous rapports avec lui ; c’est mon intérêt, s’il me trompe ; c’est le sien, si son dévouement est réel. »
Un soir que le docteur parlait d’un air animé au prince de Metternich, je remarquai que le jardinier écoutait attentivement leur conversation. On ne se méfiait pas plus de lui à Schoënbrunn qu’on ne le ferait d’un animal domestique. Je n’avais pas même la ressource de connaître son nom ; à quoi servirait-il à un sourd d’en avoir un ? Plus tard seulement j’appris qu’il s’appelait Pierre. J’étais sûr qu’il ne m’avait point aperçu ; je passai et je repassai plusieurs fois sans avoir l’air de faire attention à lui : enfin je le vis qui passait le râteau sur une allée vers laquelle je me dirigeai ; puis il arrosa profondément les abords de l’endroit où il s’était arrêté, excepté d’un seul côté, celui-là même qui se trouvait sur mon chemin.
Je m’approchai lorsqu’il fut à quelque distance, et je distinguai des caractères tracés sur le sable. Ma curiosité était fortement excitée : je lus ces mots en français : Un diplomate et un médecin, c’est trop de moitié.
Le prince était déjà tout près de nous, que j’étais encore à rêver sur le sens de ces caractères énigmatiques ; je m’approchai comme pour le saluer en bouleversant avec mon pied la dépêche du vétéran.
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