Cluny, à qui j’ai porté le Sexe faible, m’a écrit une lettre admirative et se dispose à jouer cette pièce au mois d’octobre. Il compte sur un grand succès d’argent. Ainsi soit-il ! Mais je me souviens de l’enthousiasme de Carvalho, suivi d’un refroidissement absolu, et tout cela augmente mon mépris pour les soi-disant malins qui prétendent s’y connaître. Car, enfin, voilà une œuvre dramatique déclarée par les directeurs du Vaudeville et de Cluny « parfaite », par celui des Français « injouable », et par celui de l’Odéon « à refaire d’un bout à l’autre ». Tirez une conclusion maintenant, et écoutez leurs avis ! N’importe ! comme ces quatre messieurs sont les maîtres de vos destinées parce qu’ils ont de l’argent, et qui ont plus d’esprit que vous, n’ayant jamais écrit une ligne, il faut les en croire et se soumettre. » (Lettre à G. Sand, voir Correspondance, IV, p. 221.)
Mais certaines objections au sujet de l’attribution des rôles ont ému Flaubert. Il prie aussitôt Banville de faire une démarche auprès de Weinschenk. Celui-ci, après avoir lu a pièce, écrit à Flaubert :
Je suis allé hier au théâtre Cluny, mais je n’ai pas pu voir Weinschenk. La répétition de Zola menaçait de durer toujours, ou du moins de finir trop tard, et c’est Baralle qui a eu l’obligeance de me remettre le manuscrit du Sexe faible. Le même Baralle a dû voir Weinschenk dans la soirée, et il m’enverra aujourd’hui même un mot, pour me dire à quelle époque votre présence à Paris sera nécessaire. Cette époque sera probablement plus tardive que vous ne le pensiez, parce que, pour venir en aide à Édouard Plouvier, qu’une maladie incurable a presque réduit à la misère, on reprendra le Mangeur de fer après [a pièce de Zola et avant le Sexe faible. Je vous transmettrai le mot de Baralle dès que je l’aurai reçu.
En rentrant chez moi, j’ai, comme vous le pensez-bien, lu d’une traite les cinq actes du Sexe faible. Sans aucun doute possible, Weinschenk avait raison et j’avais tort ; la comédie a sa force en elle-même, et quoiqu’il soit avantageux d’avoir une étoile quand on est joué à Cluny, il est évident qu’aucun des rôles de la pièce ne demande, ni ne justifierait l’emploi d’une étoile. Celui de la comtesse de Mérilhac n’est pas du tout assez important ni assez développé pour être offert à Mme Doche, et la distribution, telle qu’elle est indiquée sur le manuscrit, me paraît excellente. Que l’intérêt appartienne à l’ensemble de l’œuvre et ne soit détourné par aucun rôle en particulier, ce n’est pas un défaut, au contraire ; et je pense que le résultat ne peut qu’y gagner.