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THÉÂTRE.

Madame de Grémonville.

Toi et lui, vois-tu, vous n’êtes que deux enfants sans aucune idée de la vie, et il est réellement fort heureux que je vous aie tout sacrifié : goûts, repos, habitudes… sacrifié est le mot, car, si j’habite, avec vous, cette maison, c’est grâce aux instances de ton mari.

Thérèse, à demi-voix.

Bien sûr !

Valentine.

Aussi notre reconnaissance…

Madame de Grémonville.

Sans moi, pauvre fille, il t’aurait dominée, tu es trop bonne. Dieu merci, j’étais là ; mon expérience m’avait appris qu’il fallait tout d’abord lui tenir tête et se poser dès le premier jour carrément. C’est pour son bien, après tout ; il a été singulièrement élevé, ce garçon.

Thérèse.

Oh ! oui !

Valentine, vivement.

Quand tu ne seras pas sans cesse à renforcer les accusations…

Madame de Grémonville.

Elle a raison ; rappelle-toi les premiers temps de votre mariage ! comme il était pliant, respectueux, empressé ! Depuis son retour de Nice, il manifeste en toutes choses je ne sais quel esprit d’indépendance ; vendredi, c’était une grimace devant le dîner maigre, tu l’as vu ; l’autre jour il a refusé de m’accompagner au sermon. À chaque instant, on dirait qu’il prend à