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SIXIÈME TABLEAU.

LE ROYAUME DU POT-AU-FEU.

Le théâtre représente la place de ville, en hémicycle. Toutes les rues y aboutissent, de façon que l’on peut apercevoir d’un seul coup d’œil la ville entière. Les maisons, toutes pareilles et d’une architecture pitoyable, à façade nue, sont peintes en couleur chocolat, avec des réchampis blancs. Au milieu de la place, porté par un trépied et sur les charbons embrasés, bouillonne un gigantesque pot-au-feu.

Autour du pot-au-feu, il y a, rangés en demi-cercle, des fauteuils de bureau en acajou, dans lesquels se tiennent assis les épiciers, tous en serpillière et en casquette de loutre. Derrière eux, des deux côtés de la scène, debout, les différentes corporations de la ville, portant des bannières, où l’on voit écrit : Bureaucratie, Sciences, Littérature, etc. Les savants ont des toques et des abat-jour verts ; les littérateurs, un mirliton et un encrier passés en bandoulière sur la hanche ; les bureaucrates, des bouts de manche de percale noire avec une plume de fer à l’oreille. Tous les citoyens portent la barbe en collier et ont (à l’exception des épiciers) des redingotes à la propriétaire et des chapeaux tromblons sur la tête.

Le grand pontife, au milieu de la scène, derrière le pot-au-feu, faisant face au spectateur et monté sur un escabeau, dépasse la multitude. Des deux côtés, sur le devant, un groupe de collégiens, coiffés de képis, joue de l’accordéon. Aux fenêtres des maisons, il y a des femmes à bonnets tuyautés et en robe de laine brune ; sur les toits à tuiles rouges, des chats. Au delà, un ciel gris.


Scène première.

La toile se lève aux sons mélancoliques des accordéons joués par les collégiens, et qui se prolongent quelque temps encore après qu’elle est entièrement levée. Puis il se fait un silence. On entend bouillonner le pot-au-feu tout doucement, et enfin le grand pontife commence.

Le grand pontife, une écumoire à la main.

Citoyens, bourgeois, croûtons ! En ce jour solennel, où nous sommes réunis pour adorer le trois fois saint