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niront, chacun vous sourira ; la santé sera bonne, vous dînerez bien, vous aurez la face rose comme une jeune fille.

Sa barbe disparaît ; surprise de Paul.

Peu à peu vous deviendrez riche, considéré, heureux, vous ferez craquer sur l’asphalte vos bottes vernies, en roulant dans vos gants blancs le pommeau d’or de votre bambou.

Ce qu’il dit s’exécute ; Paul pousse un cri.

On vous craindra, on vous aimera ; vous vous repasserez vos caprices : habits neufs tous les jours, bagues à tous les doigts, chaînes de montre, breloques et linge fin.

Il apparaît vêtu en dandy ; Paul et Dominique se rapprochent.

Vous achèterez une maison de campagne, des statues, des hôtels, des amis, et des chevaux de race, ce qui est plus cher. Pour duper les générations futures, vous pourrez même fonder un hôpital ; et vous vieillirez tout doucement, servi par un peuple de valets, entouré de famille, lourd d’honneurs, avec une grosse bedaine et l’aspect d’un honnête homme.

Il apparaît en vieux bourgeois cossu, lunettes d’or, gilet de velours, etc.
Paul, se passant les mains sur la figure.

Est-ce une illusion ? J’ai dans la tête comme des chars qui roulent, et des flammes qui voltigent.

Le punch, qui a continué de brûler, se multiplie sur les autres tables, et les flammes sautillent çà et là dans l’air comme des feux follets.
Dominique, tourne avec admiration autour de l’inconnu.

Quel particulier ! quelle expérience !

Paul, résolument.

Non ! je ne veux pas ! arrière ! C’est même une faiblesse de t’écouter. Va-t’en !