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dans l’obscurité, étouffant, râlant, presque morts. Soudain, tout fut noir devant eux et la vélocité des eaux redoublait. Ils tombèrent.

Quand ils furent remontés à la surface, ils se tinrent pendant quelques minutes étendus sur le dos, à humer l’air, délicieusement. Des arcades, les unes derrière les autres, s’ouvraient au milieu de larges murailles séparant des bassins. Tous étaient remplis, et l’eau se continuait en une seule nappe dans la longueur des citernes. Les coupoles du plafond laissaient descendre par leur soupirail une clarté pâle qui étalait sur les ondes comme des disques de lumière ; les ténèbres à l’entour, s’épaississant vers les murs, les reculaient indéfiniment. Le moindre bruit faisait un grand écho.

Spendius et Mâtho se remirent à nager, et passant par l’ouverture des arcs, ils traversèrent plusieurs chambres à la file. Deux autres rangs de bassins plus petits s’étendaient parallèlement de chaque côté. Ils se perdirent ; ils tournaient, ils revenaient. Quelque chose résista sous leurs talons. C’était le pavé de la galerie qui longeait les citernes.

Alors, s’avançant avec de grandes précautions, ils palpèrent la muraille pour trouver une issue. Mais leurs pieds glissaient ; ils tombaient dans les vasques profondes. Ils avaient à remonter, puis ils retombaient encore ; et ils sentaient une épouvantable fatigue, comme si leurs membres en nageant se fussent dissous dans l’eau. Leurs yeux se fermèrent ; ils agonisaient.

Spendius se frappa la main contre les barreaux d’une grille. Ils la secouèrent, elle céda, et ils se trouvèrent sur les marches d’un escalier. Une