Page:Flaubert - Salammbô.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.

léares pâlissaient, en apprenant comment avaient péri leurs compagnons.

C’était une troupe de trois cents frondeurs débarqués la veille, et qui, ce jour-là, avaient dormi trop tard. Quand ils arrivèrent sur la place de Khamon, les Barbares étaient partis et ils se trouvaient sans défense, leurs balles d’argile ayant été mises sur les chameaux avec le reste des bagages. On les laissa s’engager dans la rue de Satheb, jusqu’à la porte de chêne doublée de plaques d’airain ; et le peuple, d’un seul mouvement, s’était poussé contre eux.

En effet, les soldats se rappelèrent un grand cri ; Spendius, qui fuyait en tête des colonnes, ne l’avait pas entendu.

Puis les cadavres furent placés dans les bras des Dieux Patæques qui bordaient le temple de Khamon. On leur reprocha tous les crimes des Mercenaires : leur gourmandise, leurs vols, leurs impiétés, leurs dédains, et le meurtre des poissons dans le jardin de Salammbô. On fit à leurs corps d’infâmes mutilations ; les prêtres brûlèrent leurs cheveux pour tourmenter leur âme ; on les suspendit par morceaux chez les marchands de viandes ; quelques-uns même y enfoncèrent les dents, et le soir, pour en finir, on alluma des bûchers dans les carrefours.

C’étaient là ces flammes qui luisaient de loin sur le lac. Quelques maisons ayant pris feu, on avait jeté vite par-dessus les murs ce qui restait de cadavres et d’agonisants ; Zarxas jusqu’au lendemain s’était tenu dans les roseaux, au bord du lac ; puis il avait erré dans la campagne, cherchant l’armée d’après les traces des pas sur la poussière.