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28 novembre 1862.

On sera renversé d’étonnement, cher Monsieur. Je le vois dès le début, c’est un aérolithe.

Mais énorme d’effet, de grandeur. Je n’ai rien vu de plus neuf depuis le Dernier homme, ouvrage aussi faible d’exécution que le vôtre est fort, mais pour la conception le plus original du siècle avant le vôtre. Je suis cloué encore par mille affaires, autrement j’aurais été vous remercier moi-même.

Je vous serre la main tendrement.

J. Michelet.

Samedi.
Mon cher Flaubert,

J’en étais aux lions crucifiés quand l’exemplaire que vous m’envoyez m’est arrivé. J’avance. Je retourne à Carthage avec les Mercenaires. Il n’y a de coloriste que Flaubert, et Gautier est son précurseur. C’est terrible, savant, inspiré, impossible, réel. Vous allez nous donner le tableau de cette grande guerre inexpiable, dont Michelet a tracé un large dessin.

Je vous remercie de ne pas m’avoir oublié. Je serai toujours de sincères applaudissements dans vos audaces et dans vos succès.

Votre bien dévoué.

Laurent Pichat.

Paris, 16 décembre 1862.
Mon cher Flaubert,

J’avais déjà lu ton livre avec la plus vive admiration. C’est plein de force et d’éclat, et pénétré surtout de ce génie singulier, propre à notre siècle, qui reconstruit pièce à pièce les époques passées, par leurs côtés puissants et idéalement vrais. Salammbô est donc une œuvre moderne par excellence, quoi qu’en disent les imbéciles. Tu as des passages splendides et robustes qui m’ont ravi ; tes lions crucifiés, entre autres, et ces autres-là abondent.

Bravo, mon bonhomme ! Tu es un poète et un peintre comme il y en a peu. Si ta Carthage ne ressemble pas à la vieille ville punique, tant pis pour celle-ci. Mais tu as vu et bien vu, je n’en doute pas.