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L’établissement stratégique des deux armées, en raison de la configuration que Flaubert donna au terrain, a dû lui donner beaucoup de peine, car voici la lettre (inédite) que Bouilhet lui adressa en réponse à l’une de ses communications : « … Je n’avais pas nettement compris la difficulté du défilé. Aujourd’hui c’est plus clair, mais pas plus facile comme expédients. Ce qui m’embarrasse le plus, c’est la possibilité qu’ils avaient, dis-tu, de sortir de là. Peut-être est-ce impossible comme tu le comprends, et faut-il te priver de cet effet final. Quant aux subsistances et à la possibilité de rester un mois avec la plus infime nourriture, tu as le droit de faire ce que bon te semblera. Souviens-toi des naufrages et combien il faut peu à l’homme pour vivre. Ont-ils mangé des serpents ? des insectes ?… Enfin vois et tâche de leur rendre matériellement impossible la faculté de sortir de là. »

À la fin du mois de décembre, Flaubert annonce joyeusement à Jules Duplan que le Défilé de la Hache est écrit : « … C’est fait ! je viens d’en sortir, j’ai vingt mille hommes qui viennent de crever et de se manger réciproquement. J’ai là, je crois, des détails coquets et j’espère soulever de dégoût le cœur des honnêtes gens. Monseigneur (Bouilhet) m’a fait faire pas mal de changements et de corrections à mon siège et à ma brûlade (j’ai rajouté des supplices) ; bref, ça marche, maintenant, plus lestement. » (Voir Correspondance, III, p. 306.) De janvier à mars, il décrit ses derniers carnages et la mort effroyable de Mâtho. En avril 1862, Salammbô est terminé.

Avant de se séparer de son manuscrit, Flaubert le revoit entièrement ; la phrase est encore surveillée, les descriptions qui offrent trop de ressemblance dans les détails sont reprises, et cette dernière besogne est, pour l’auteur fatigué, tout ce qu’il y a de pénible. « Croiriez-vous que je suis encore dessus, à enlever les répétitions de mots et à changer les substantifs impropres ? Je me meurs d’ennui, » écrit-il à Mlle Bosquet ; mais immédiatement après il avise les Goncourt de sa délivrance : « Ce que je deviens, mes chers bons ? rien du tout. Je suis enfin débarrassé de Salammbô. La copie est à Paris depuis lundi dernier… Je me suis enfin résigné à considérer comme fini un travail interminable. À présent le cordon ombilical est coupé. Ouf ! n’y pensons plus ! Il s’agit de passer à d’autres exercices. »

En septembre 1862, Flaubert, après bien des hésitations et des conditions rigoureuses pour son éditeur Michel Lévy, de qui il ne voulut entendre et connaître ni critique ni opinion, corrigeait ses épreuves : « Je m’occupe présentement à enlever les et trop fréquents et quelques fautes de français. Je couche avec la Grammaire des grammaires. » Plus tard, en 1879, il reverra encore son texte, à l’occasion de sa publication dans l’édition Lemerre, et