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SALAMMBÔ

Chantepie : « J’ai commencé un roman antique, il y a deux mois, dont je viens de finir le premier chapitre ; or je n’y trouve rien de bon, et je me désespère là-dessus jour et nuit, sans arriver à une solution. Plus j’acquiers d’expérience dans mon art et plus cet art devient pour moi un supplice : l’imagination reste toujours stationnaire et le goût grandit. Voilà le malheur. Peu d’hommes, je crois, auront autant souffert que moi pour la littérature. » Et un mois plus tard : « Je sens que je suis dans le faux, comprenez vous ? et que mes personnages n’ont pas dû parler comme cela. Ce n’est pas une petite ambition que de vouloir entrer dans le cœur des hommes, quand ces hommes vivaient il y a plus de deux mille ans et dans une civilisation qui n’a rien d’analogue avec la nôtre. J’entrevois la vérité, mais elle ne me pénètre pas, l’émotion me manque. » Puis, le 23 janvier 1858 : « Il faut absolument que je fasse un voyage en Afrique… J’ai seulement besoin d’aller à Kheff (à trente lieues de Tunis) et de me promener aux environs de Carthage, dans un rayon d’une vingtaine de lieues, pour connaître à fond les paysages que je prétends décrire. » (Voir Correspondance, III, pages 154, 159, 171.)

Le 12 avril, Flaubert partit pour l’Afrique. Il visita Constantine, Philippeville, Utique, Carthage où il resta quatre jours, El-Jem, Sousse, Sfax, Kheff, Tunis, Bizerte, puis annonça son retour, par terre, en Algérie. « Je verrai de cette façon tout ce qu’il me faut pour Salammbô. Je connais maintenant Carthage et les environs à fond », écrit-il à sa nièce Caroline, le 20 mai, et le 6 juin il était de retour à Paris. C’est dans cette lettre que, pour la première fois, nous voyons apparaître le nom de Salammbô, adopté pour être le titre du livre, appelé précédemment Carthage. Rentré à Croisset, il achève de développer les notes prises en cours de route (voir Notes de voyage, II, Carthage), puis il écrit à Feydeau : « Je t’apprendrai que Carthage est complètement à refaire, ou plutôt à faire. Je démolis tout. C’était absurde ! impossible ! faux ! »

Nous avons retrouvé dans les papiers de Flaubert le travail abandonné de Salammbô. Il est enfermé dans un dossier portant cette inscription :

SALLAMMBÔ (sic)
LA FILLE D’HAMILCAR
Roman carthaginois (rayé)
1er septembre 1857.

Il comprend 27 feuillets, paginés 1 à 27 ; le développement correspond au scenario suivant, que nous avons trouvé complet