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NOTICE.


SOURCES ET MÉTHODE.

Comme Madame Bovary, mais cette fois devant l’opinion et non plus à la barre du tribunal, Salammbô a eu son procès. On en connaît les péripéties. Ce n’était plus à la religion et à la morale publique que Flaubert avait fait offense, c’était tout à la fois au Roman et à l’Histoire. Pour avoir voulu, au mépris de la division des genres, concilier dans un même ouvrage l’exactitude avec l’imagination et, comme il le disait, « fixer un mirage en appliquant à l’Antiquité les procédés du roman moderne », l’écrivain avait appelé sur lui les foudres combinées des savants et des littérateurs. Un romancier, se permettre une incursion si téméraire dans un des domaines de l’histoire les plus reculés, les mieux défendus, ouvert seulement à quelques rares initiés ! Les historiens rejetèrent Salammbô au rang des purs romans, … cependant que les romanciers louaient surtout dans ce « gros livre » un traité d’archéologie.

Pour l’avenir de l’ouvrage, sinon pour celui de l’écrivain, l’aventure était autrement redoutable qu’un procès de moralité. Flaubert, on le sait, en sortit à son avantage. Il se montra sur tous les points si solidement armé, établit ses preuves avec une telle aisance et, chargé d’un terrible bagage de savant, fonça sur l’ennemi avec une bonne humeur si intrépide qu’il parut vaincre deux fois. Dans sa dispute avec les historiens, le dernier mot lui appartint, sans conteste[1]. Et quant aux romanciers, ils durent savoir gré à un homme qui possédait une érudition si imposante de n’en avoir pas mis davantage dans son livre.

Évidemment, il en reste encore beaucoup dans Salammbô. Mais elle a subi l’épreuve du feu ; nous la savons, désormais, fidèle et de bon aloi. Nous devons donc nous réjouir de ce qu’on

  1. Cf. Lettre à M. Frœhner, in Correspondance, III, 348 ; à M. Guéroult, Ibid., 360 ; à Sainte-Beuve, Ibid., 332.