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épandu : c’était le jour du mariage de Salammbô avec le roi des Numides.

Sur la terrasse du temple de Khamon, de gigantesques orfèvreries chargeaient trois longues tables où allaient s’asseoir les Prêtres, les Anciens et les Riches, et il y en avait une quatrième plus haute, pour Hamilcar, pour Narr’Havas et pour elle ; car Salammbô par la restitution du voile ayant sauvé la Patrie, le peuple faisait de ses noces une réjouissance nationale, et en bas, sur la place, il attendait qu’elle parût.

Un autre désir, plus âcre, irritait son impatience : la mort de Mâtho était promise pour la cérémonie.

On avait proposé d’abord de l’écorcher vif, de lui couler du plomb dans les entrailles, de le faire mourir de faim ; on l’attacherait contre un arbre, et un singe, derrière lui, le frapperait sur la tête avec une pierre ; il avait offensé Tanit, les cynocéphales de Tanit la vengeraient. D’autres étaient d’avis qu’on le promenât sur un dromadaire, après lui avoir passé en plusieurs endroits du corps des mèches de lin trempées d’huile ; et ils se plaisaient à l’idée du grand animal vagabondant par les rues avec cet homme qui se tordrait sous les feux comme un candélabre agité par le vent.

Mais quels citoyens seraient chargés de son supplice et pourquoi en frustrer les autres ? On aurait voulu un genre de mort où la ville entière participât, et que toutes les mains, toutes les armes, toutes les choses carthaginoises, et jusqu’aux dalles des rues et aux flots du golfe pussent le déchirer, l’écraser, l’anéantir. Donc les Anciens décidèrent qu’il irait de sa prison à la place de