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loin leurs grands corps tout blancs ; pour épouvanter l’ennemi, ils élargissaient leurs blessures. Au milieu des syntagmes puniques on n’entendait plus la voix du crieur annonçant les ordres ; les étendards au-dessus de la poussière répétaient leurs signaux, et chacun allait emporté dans l’oscillation de la grande masse qui l’entourait.

Hamilcar commanda aux Numides d’avancer. Mais les Naffur se précipitèrent à leur rencontre.

Habillés de vastes robes noires, avec une houppe de cheveux au sommet du crâne et un bouclier en cuir de rhinocéros, ils manœuvraient un fer sans manche retenu par une corde ; et leurs chameaux, tout hérissés de plumes, poussaient de longs gloussements rauques. Les lames tombaient à des places précises, puis remontaient d’un coup sec, avec un membre après elles. Les bêtes furieuses galopaient à travers les syntagmes. Quelques-unes, dont les jambes étaient rompues, allaient en sautillant, comme des autruches blessées.

L’infanterie punique tout entière revint sur les Barbares ; elle les coupa. Leurs manipules tournoyaient, espacées les unes des autres. Les armes des Carthaginois plus brillantes les encerclaient comme des couronnes d’or ; un fourmillement s’agitait au milieu, et le soleil, frappant dessus, mettait aux pointes des glaives des lueurs blanches qui voltigeaient. Cependant des files de Clinabares restaient étendues sur la plaine ; des Mercenaires arrachaient leurs armures, s’en revêtaient, puis ils retournaient au combat. Les Carthaginois, trompés, plusieurs fois s’engagèrent au milieu d’eux. Une hébétude les immobilisait, ou bien ils