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vinces, attendant une occasion, quelque victoire des Mercenaires pour revenir. Mais, soit terreur ou famine, elles reprirent toutes le chemin de leurs contrées, et disparurent.

Hamilcar ne fut point jaloux des succès d’Hannon. Cependant il avait hâte d’en finir ; il lui ordonna de se rabattre sur Tunis ; et Hannon, au jour fixé, se trouva sous les murs de la ville.

Elle avait pour se défendre sa population d’autochtones, douze mille Mercenaires, puis tous les Mangeurs de choses immondes, car ils étaient, comme Mâtho, rivés à l’horizon de Carthage, et la plèbe et le Schalischim contemplaient de loin ses hautes murailles, en rêvant par derrière des jouissances infinies. Dans cet accord de haines, la résistance fut lestement organisée. On prit des outres pour faire des casques, on coupa tous les palmiers dans les jardins pour avoir des lances, on creusa des citernes ; et, quant aux vivres, ils pêchaient aux bords du lac de gros poissons blancs, nourris de cadavres et d’immondices. Leurs remparts, maintenus en ruine par la jalousie de Carthage, étaient si faibles, que l’on pouvait, d’un coup d’épaule, les abattre. Mâtho en boucha les trous avec les pierres des maisons. C’était la dernière lutte ; il n’espérait rien, et cependant il se disait que la fortune était changeante.

Les Carthaginois, en approchant, remarquèrent, sur le rempart, un homme qui dépassait les créneaux de toute la ceinture. Les flèches volant autour de lui n’avaient pas l’air de plus l’effrayer qu’un essaim d’hirondelles. Aucune, par extraordinaire, ne le toucha.

Hamilcar établit son camp sur le côté méri-