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l’extravagance de sa force avec la beauté de son éternel sourire. Les montagnes, à leur sommet, avaient la forme d’un croissant ; d’autres ressemblaient à des poitrines de femme tendant leurs seins gonflés, et les Barbares sentaient peser par-dessus leurs fatigues un accablement qui était plein de délices.

Spendius, avec l’argent de son dromadaire, s’était acheté un esclave. Tout le long du jour il dormait étendu devant la tente de Mâtho. Souvent il se réveillait, croyant dans son rêve entendre siffler les lanières ; alors, il se passait les mains sur les cicatrices de ses jambes, à la place où les fers avaient longtemps porté ; puis il se rendormait.

Mâtho acceptait sa compagnie ; Spendius, avec un long glaive sur la cuisse, l’escortait comme un licteur ; ou bien Mâtho nonchalamment s’appuyait du bras sur son épaule, car Spendius était petit.

Un soir qu’ils traversaient ensemble les rues du camp, ils aperçurent des hommes couverts de manteaux blancs ; parmi eux se trouvait Narr’Havas, le prince des Numides. Mâtho tressaillit.

— Ton épée ! s’écria-t-il ; je veux le tuer !

— Pas encore ! fit Spendius en l’arrêtant.

Déjà Narr’Havas s’avançait vers lui.

Il baisa ses deux pouces en signe d’alliance, rejetant la colère qu’il avait eue sur l’ivresse du festin ; puis il parla longuement contre Carthage, mais il ne dit pas ce qui l’amenait chez les Barbares.

Était-ce pour les trahir, ou bien la République ? se demandait Spendius ; et comme il comptait