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Spendius fut obligé de les suivre ; Mâtho, à la fin, céda comme lui.

Il ne dépassa point Tunis. Il s’enferma dans ses murs. Cette obstination était pleine de sagesse ; car bientôt on aperçut Narr’Havas qui sortait par la porte de Khamon avec ses éléphants et ses soldats ; Hamilcar le rappelait. Mais déjà les autres Barbares erraient dans les provinces à la poursuite du Suffète.

Il avait reçu à Clypea trois mille Gaulois. Il fit venir des chevaux de la Cyrénaïque, des armures du Brutium, et il recommença la guerre.

Jamais son génie ne fut aussi impétueux et fertile. Pendant cinq lunes il les traîna derrière lui, ayant un but où il voulait les conduire.

Les Barbares avaient tenté d’abord de l’envelopper par de petits détachements ; il leur échappait toujours. Ils ne se quittèrent plus. Leur armée était de quarante mille hommes environ, et plusieurs fois ils eurent la jouissance de voir les Carthaginois reculer.

Ce qui les tourmentait, c’était les cavaliers de Narr’Havas ! Souvent, aux heures les plus lourdes, quand on avançait par les plaines en sommeillant sous le poids des armes, tout à coup une grosse ligne de poussière montait à l’horizon ; des galops accouraient, et du sein d’un nuage plein de prunelles flamboyantes, une pluie de dards se précipitait. Les Numides, couverts de manteaux blancs, poussaient de grands cris, levaient les bras en serrant des genoux leurs étalons cabrés, les faisaient tourner brusquement, puis disparaissaient. Ils avaient à quelque distance, sur des dro-