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de l’Acropole ; les prêtres de Melkarth, en tuniques violettes, prirent pour eux le côté de l’occident ; les prêtres des Abaddirs, serrés dans des bandes d’étoffes phrygiennes, se placèrent à l’orient ; et l’on rangea sur le côté du midi, avec les nécromanciens tout couverts de tatouages, les hurleurs en manteaux rapiécés, les desservants des Patæques et les Yidonim qui, pour connaître l’avenir, se mettaient dans la bouche un os de mort. Les prêtres de Cérès, habillés de robes bleues, s’étaient arrêtés, prudemment, dans la rue de Satheb, et psalmodiaient à voix basse un thesmophorion en dialecte mégarien.

De temps en temps, il arrivait des files d’hommes complètement nus, les bras écartés et tous se tenant par les épaules. Ils tiraient, des profondeurs de leur poitrine, une intonation rauque et caverneuse ; leurs prunelles, tendues vers le colosse, brillaient dans la poussière, et ils se balançaient le corps à intervalles égaux, tous à la fois, comme ébranlés par un seul mouvement. Ils étaient si furieux que, pour établir l’ordre, les hiérodoules, à coups de bâton, les firent se coucher sur le ventre, la face posée contre les treillages d’airain.

Ce fut alors que, du fond de la place, un homme en robe blanche s’avança. Il perça lentement la foule, et l’on reconnut un prêtre de Tanit, le grand prêtre Schahabarim. Des huées s’élevèrent, car la tyrannie du principe mâle prévalait ce jour-là dans toutes les consciences, et la Déesse était même tellement oubliée, que l’on n’avait pas remarqué l’absence de ses pontifes. Mais l’ébahissement redoubla quand on l’aperçut