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de leur poids énorme. L’essieu des chars quelquefois s’accrochait dans les rues ; alors les dévots profitaient de l’occasion pour toucher les Baalim avec leurs vêtements, qu’ils gardaient ensuite comme des choses saintes.

La statue d’airain continuait à s’avancer vers la place de Khamon. Les Riches, portant des sceptres à pomme d’émeraude, partirent du fond de Mégara ; les Anciens, coiffés de diadèmes, s’étaient assemblés dans Kinisdo ; et les maîtres des finances, les gouverneurs des provinces, les marchands, les soldats, les matelots et la horde nombreuse employée aux funérailles, tous, avec les insignes de leur magistrature ou les instruments de leur métier, se dirigeaient vers les tabernacles qui descendaient de l’Acropole, entre les collèges des pontifes.

Par déférence pour Moloch, ils s’étaient ornés de leurs joyaux les plus splendides. Des diamants étincelaient sur les vêtements noirs ; mais les anneaux trop larges tombaient des mains amaigries, et rien n’était lugubre comme cette foule silencieuse où les pendants d’oreilles battaient contre des faces pâles, où les tiares d’or serraient des fronts crispés par un désespoir atroce.

Enfin le Baal arriva juste au milieu de la place. Ses pontifes, avec des treillages, disposèrent une enceinte pour écarter la multitude, et ils restèrent à ses pieds, autour de lui.

Les prêtres de Khamon, en robes de laine fauve, s’alignèrent devant leur temple, sous les colonnes du portique ; ceux d’Eschmoûn, en manteaux de lin, avec des colliers à tête de coucoupha et des tiares pointues, s’établirent sur les marches