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Il était né dans le golfe des Syrtes. Son père l’avait conduit en pèlerinage au temple d’Ammon. Puis il avait chassé les éléphants dans les forêts des Garamantes. Ensuite, il s’était engagé au service de Carthage. On l’avait nommé tétrarque à la prise de Drépanum. La République lui devait quatre chevaux, vingt-trois médines de froment et la solde d’un hiver. Il craignait les Dieux et souhaitait mourir dans sa patrie.

Spendius lui parla de ses voyages, des peuples et des temples qu’il avait visités, et il connaissait beaucoup de choses : il savait faire des sandales, des épieux, des filets, apprivoiser les bêtes farouches et cuire des poisons.

Parfois s’interrompant, il tirait du fond de sa gorge un cri rauque ; le mulet de Mâtho pressait son allure ; les autres se hâtaient pour le suivre, puis Spendius recommençait, toujours agité par son angoisse. Elle se calma, le soir du quatrième jour.

Ils marchaient côte à côte, à la droite de l’armée, sur le flanc d’une colline ; la plaine, en bas, se prolongeait, perdue dans les vapeurs de la nuit. Les lignes des soldats défilant au-dessous d’eux faisaient dans l’ombre des ondulations. De temps à autre elles passaient sur les éminences éclairées par la lune ; alors une étoile tremblait à la pointe des piques, les casques un instant miroitaient, tout disparaissait, et il en survenait d’autres, continuellement. Au loin, des troupeaux réveillés bêlaient, et quelque chose d’une douceur infinie semblait s’abattre sur la terre.

Spendius, la tête renversée et les yeux à demi clos, aspirait avec de grands soupirs la fraîcheur