Page:Flaubert - Salammbô.djvu/309

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Alors on poussa contre les murailles des tarières qui, s’appliquant aux joints des blocs, les descelleraient. Les machines furent mieux gouvernées, leurs servants répartis par escouades ; du matin au soir, elles fonctionnaient, sans s’interrompre, avec la monotone précision d’un métier de tisserand.

Spendius ne se fatiguait pas de les conduire. C’était lui-même qui bandait les écheveaux des balistes. Pour qu’il y eût, dans leurs tensions jumelles, une parité complète, on serrait leurs cordes en frappant tour à tour de droite et de gauche, jusqu’au moment où les deux côtés rendaient un son égal. Spendius montait sur leur membrure. Avec le bout de son pied, il les battait tout doucement, et il tendait l’oreille comme un musicien qui accorde une lyre. Puis, quand le timon de la catapulte se relevait, quand la colonne de la baliste tremblait à la secousse du ressort, que les pierres s’élançaient en rayons et que les dards couraient en ruisseau, il se penchait le corps tout entier et jetait ses bras dans l’air, comme pour les suivre.

Les soldats, admirant son adresse, exécutaient ses ordres. Dans la gaieté de leur travail, ils débitaient des plaisanteries sur les noms des machines. Ainsi, les tenailles à prendre les béliers s’appelant des loups, et les galeries couvertes des treilles, on était des agneaux, on allait faire la vendange ; et, en armant leurs pièces, ils disaient aux onagres : « Allons, rue bien ! » et aux scorpions : « Traverse-les jusqu’au cœur ! » Ces facéties, toujours les mêmes, soutenaient leur courage.

Cependant les machines ne démolissaient point