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nuèrent les sentinelles de l’aqueduc. On n’avait pas trop de monde pour la défense de l’enceinte.

L’ancien esclave s’exerça pendant plusieurs jours à tirer des flèches contre les phénicoptères du lac. Puis, un soir que la lune brillait, il pria Mâtho d’allumer au milieu de la nuit un grand feu de paille, en même temps que tous ses hommes pousseraient des cris ; et, prenant avec lui Zarxas, il s’en alla par le bord du golfe, dans la direction de Tunis.

À la hauteur des dernières arches, ils revinrent droit vers l’aqueduc ; la place était découverte : ils s’avancèrent en rampant jusqu’à la base des piliers.

Les sentinelles de la plate-forme se promenaient tranquillement.

De hautes flammes parurent ; des clairons retentirent, les soldats en vedette, croyant à un assaut, se précipitèrent du côté de Carthage.

Un homme était resté. Il apparaissait en noir sur le fond du ciel. La lune donnait derrière lui, et son ombre démesurée faisait au loin sur la plaine comme un obélisque qui marchait.

Zarxas saisit sa fronde ; par prudence ou par férocité, Spendius l’arrêta.

— Non, le ronflement de la balle ferait du bruit ! À moi !

Alors, il banda son arc de toutes ses forces, en l’appuyant par le bas contre l’orteil de son pied gauche ; il visa, et la flèche partit.

L’homme ne tomba point. Il disparut.

— S’il était blessé, nous l’entendrions ! dit Spendius.

Et il monta vivement d’étage en étage, comme