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tachaient contre le sol comme si la fille d’Hamilcar, en disparaissant, se fût enfoncée sous la terre.

La toile déchirée battait au vent ; quelquefois ses longues bribes lui passaient devant la bouche, et il aperçut une marque rouge, pareille à l’empreinte d’une main. C’était la main de Narr’Havas, le signe de leur alliance. Mâtho se leva. Il prit un tison qui fumait encore, et le jeta sur les débris de sa tente, dédaigneusement. Puis, du bout de son cothurne, il repoussait vers la flamme des choses qui débordaient, pour que rien n’en subsistât.

Tout à coup, sans qu’on pût deviner de quel point il surgissait, Spendius parut.

L’ancien esclave s’était attaché contre la cuisse deux éclats de lance ; il boitait d’un air piteux, tout en exhalant des plaintes.

— Retire donc cela, lui dit Mâtho, je sais que tu es un brave !

Car il était si écrasé par l’injustice des dieux qu’il n’avait plus assez de force pour s’indigner contre les hommes.

Spendius lui fit un signe, et il le mena dans le creux d’un mamelon, où Zarxas et Autharite se tenaient cachés.

Ils avaient fui comme l’esclave, l’un bien qu’il fût cruel, l’autre malgré sa bravoure. Mais qui aurait pu s’attendre, disaient-ils, à la trahison de Narr’Havas, à l’incendie des Libyens, à la perte du zaïmph, à l’attaque soudaine d’Hamilcar, et surtout à ses manœuvres les forçant à revenir dans le fond de la montagne sous les coups immédiats des Carthaginois ? Spendius n’avouait point sa ter-