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à cause du commandement ou de son ancien amour.

Le Suffète l’écouta sans l’interrompre. L’homme qui se présentait ainsi dans une armée où on lui devait des vengeances n’était pas un auxiliaire à dédaigner ; Hamilcar devina tout de suite l’utilité d’une telle alliance pour ses grands projets. Avec les Numides, il se débarrasserait des Libyens. Puis il entraînerait l’Occident à la conquête de l’Ibérie ; et, sans lui demander pourquoi il n’était pas venu plus tôt, ni relever aucun de ses mensonges, il baisa Narr’Havas, en heurtant trois fois sa poitrine contre la sienne.

C’était pour en finir, et par désespoir, qu’il avait incendié le camp des Libyens. Cette armée lui arrivait comme un secours des dieux ; et dissimulant sa joie, il répondit :

— Que les Baals te favorisent ! J’ignore ce que fera pour toi la République, mais Hamilcar n’a pas d’ingratitude.

Le tumulte redoublait ; des capitaines entraient. Il s’armait tout en parlant :

— Allons, retourne ! Avec tes cavaliers, tu rabattras leur infanterie entre tes éléphants et les miens ! Courage ! extermine !

Et Narr’Havas se précipitait, quand Salammbô parut.

Elle sauta vite à bas de son cheval. Elle ouvrit son large manteau, et, en écartant les bras, elle déploya le zaïmph.

La tente de cuir, relevée dans les coins, laissait voir le tour entier de la montagne couverte de soldats, et comme elle se trouvait au centre, de tous les côtés on apercevait Salammbô. Une