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et jusqu’aux valets par derrière, qui étaient montés sur des ânes. Au lieu de garder sa position pour couvrir les fantassins, Narr’Havas tourna brusquement à droite, comme s’il voulait se faire écraser par Hamilcar.

Ses cavaliers dépassèrent les éléphants qui se ralentissaient ; et tous les chevaux, allongeant leur tête sans bride, galopaient d’un train si furieux que leur ventre paraissait frôler la terre. Tout à coup, Narr’Havas marcha résolument vers une sentinelle. Il jeta son épée, sa lance, ses javelots, et disparut au milieu des Carthaginois.

Le roi des Numides arriva dans la tente d’Hamilcar ; et il dit, en lui montrant ses hommes qui se tenaient au loin arrêtés :

— Barca ! je te les amène. Ils sont à toi.

Alors il se prosterna en signe d’esclavage, et, comme preuve de sa fidélité, rappela toute sa conduite depuis le commencement de la guerre.

D’abord il avait empêché le siège de Carthage et le massacre des captifs, puis il n’avait point profité de la victoire contre Hannon après la défaite d’Utique ; quant aux villes tyriennes, c’est qu’elles se trouvaient sur les frontières de son royaume. Enfin, il n’avait pas participé à la bataille du Macar ; et il s’était absenté tout exprès pour fuir l’obligation de combattre le Suffète.

Narr’Havas, en effet, avait voulu s’agrandir par des empiétements sur les provinces puniques, et, selon les chances de la victoire, tour à tour secouru et délaissé les Mercenaires. Mais, voyant que le plus fort serait définitivement Hamilcar, il s’était tourné vers lui ; peut-être y avait-il dans sa défection une rancune contre Mâtho, soit