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En haletant, il s’appuya contre le mur pour ne pas tomber.

Un homme l’avait suivi, et, à travers les ténèbres, car les lueurs du festin étaient cachées par l’angle du palais, il reconnut Spendius.

— Va-t’en ! dit-il.

L’esclave, sans répondre, se mit avec ses dents à déchirer sa tunique ; puis s’agenouillant auprès de Mâtho il lui prit le bras délicatement, et il le palpait dans l’ombre pour découvrir la blessure.

Sous un rayon de la lune qui glissait entre les nuages, Spendius aperçut au milieu du bras une plaie béante. Il roula tout autour le morceau d’étoffe ; mais l’autre, s’irritant, disait :

— Laisse-moi ! Laisse-moi !

— Non ! reprit l’esclave. Tu m’as délivré de l’ergastule. Je suis à toi ! tu es mon maître ! ordonne !

Mâtho, en frôlant les murs, fit le tour de la terrasse. Il tendait l’oreille à chaque pas, et par l’intervalle des roseaux dorés, plongeait ses regards dans les appartements silencieux. Enfin il s’arrêta d’un air désespéré.

— Écoute ! lui dit l’esclave. Oh ! ne me méprise pas pour ma faiblesse ! J’ai vécu dans le palais. Je peux, comme une vipère, me couler entre les murs. Viens ! il y a dans la Chambre des Ancêtres un lingot d’or sous chaque dalle ; une voie souterraine conduit à leurs tombeaux.

— Eh ! qu’importe ! dit Mâtho.

Spendius se tut.

Ils étaient sur la terrasse. Une masse d’ombre énorme s’étalait devant eux, et qui semblait con-