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frappa sur l’épaule, tout en débitant d’un air jovial des plaisanteries dans la langue de son pays. Spendius n’était pas loin ; il s’offrit à les expliquer.

— Parle ! dit Mâtho.

— Les dieux te protègent, tu vas devenir riche. À quand les noces ?

— Quelles noces ?

— Les tiennes ! car chez nous, dit le Gaulois, lorsqu’une femme fait boire un soldat, c’est qu’elle lui offre sa couche.

Il n’avait pas fini que Narr’Havas, en bondissant, tira un javelot de sa ceinture, et appuyé du pied droit sur le bord de la table, il le lança contre Mâtho.

Le javelot siffla entre les coupes, et, traversant le bras du Libyen, le cloua sur la nappe si fortement, que la poignée en tremblait dans l’air.

Mâtho l’arracha vite ; mais il n’avait pas d’armes, il était nu ; enfin, levant à deux bras la table surchargée, il la jeta contre Narr’Havas tout au milieu de la foule qui se précipitait entre eux. Les soldats et les Numides se serraient à ne pouvoir tirer leurs glaives. Mâtho avançait en donnant de grands coups avec sa tête. Quand il la releva, Narr’Havas avait disparu. Il le chercha des yeux. Salammbô aussi était partie.

Alors sa vue se tournant vers le palais, il aperçut tout en haut la porte rouge à croix noire qui se refermait. Il s’élança.

On le vit courir entre les proues des galères, puis réapparaître le long des trois escaliers jusqu’à la porte rouge qu’il heurta de tout son corps.