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attaquer Chatelaudren, Guingamp, Lamballe et Saint-Malo, qui furent pris ou capitulèrent. Le duc de Penthièvre se maria avec sa fille, et quant aux cent mille francs d’or qu’il avait soldés, on les lui rendit. Mais ce furent les peuples de Bretagne qui payèrent.

Lorsque Jean V fut enlevé, au pont de Loroux, par le comte de Penthièvre, il promit une rançon d’un million ; il promit sa fille aînée, fiancée déjà au roi de Sicile. Il promit Moncontour, Sesson et Jugon, et ne donna ni sa fille, ni l’argent, ni les places fortes. Il avait fait le vœu d’aller au Saint-Sépulcre. Il s’en acquitta par procureur. Il avait fait vœu de ne plus lever ni tailles ni subsides ; le pape l’en dégagea. Il avait fait vœu de donner à Notre-Dame de Nantes son pesant d’or ; mais comme il pesait près de deux cents livres, il resta fort endetté. Avec tout ce qu’il put ramasser et prendre, il forma bien vite une ligue et força les Penthièvre à lui acheter cette paix, qu’ils avaient vendue.

De l’autre côté de la Sèvre, et s’y trempant les pieds, s’étend sur la colline le bois de « la Garenne », parc très beau de lui-même, malgré ses beautés factices. M. Lemot (le père du propriétaire actuel), qui était un peintre de l’Empire et un artiste lauréat, a travaillé là du mieux qu’il a pu à reproduire ce froid goût italien, républicain, romain, si fort à la mode du temps de Canova et de madame de Staël. On était pompeux, grandiose et digne. C’était le temps où on sculptait