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Écrit sur le canal du Midi pour passer le temps :

Il ne s’agirait rien moins que de savoir pourquoi, en avançant dans le XVIe siècle et dans le XVIIe, on trouve en architecture précisément l’inverse de ce qui arrive dans l’histoire de la poésie et de la prose ; pourquoi la pierre se dégrade tandis que la parole devient au contraire éminemment plus nette et plus accentuée. À mesure, par exemple, que Rabelais se filtre et se clarifie dans Montaigne, que Régnier succède à Ronsard et qu’il n’est pas jusqu’à Scarron qui ne se souvienne de Francion, le style de Louis XIII succède hélas à celui d’Henri II, les fenêtres des maisons se rétrécissent et le mur blanc gagne sur les sculptures qu’on y avait dessinées. Non pas que je veuille dire que bien des figures et des niches curieusement taillées n’aient sauté aussi dans le style, abattues à grands coups de marteau, cassées en bloc pour faire de la prose, mais ici il y a renaissance, là il y a mort.

Quand on lit Rabelais et qu’on s’y aventure, on finit par perdre le fil et par avancer dans un dédale dont vous ne savez bientôt ni les issues ni les entrées ; ce sont des arabesques à n’en plus finir, des poussées de rire qui étourdissent, des fusées de folle gaieté qui retombent en gerbes, illuminant et obscurcissant à la fois à la manière des grands feux ; rien de général ne se saisit, on pressent et on prévoit bien quelque chose, mais