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cheval et qu’on tirait de la remise le cabriolet qui s’y rongeait aux vers, comme un vieux roquefort oublié dans une armoire, nous avons été voir l’église où commence le goût d’ornements rococo, fleurs artificielles, rubans, pompons, guirlandes de papier peint, si remarquable à quelques lieues plus loin, dans les villes de l’Anjou, province qui semble avoir conservé de ses anciens maîtres des prédilections italiennes.

Jusqu’à Tours vraiment la route est belle, la campagne est ample et nourrie, riche à l’œil et bien portante, sans les exubérances presque sombres de la Normandie, ni les finesses de lumière du Midi. On passe sous de beaux arbres qui recouvrent le chemin comme des berceaux, ou au milieu de larges prairies qu’égayent çà et là des villes et des clochers, et, à partir de Montlouis, on va tout le long de la Loire, rencontrant l’un après l’autre, se succédant et revenant sans cesse, des châteaux au haut des collines, des vignes à côté des blés, des îles oblongues avec une couronne de peupliers et une frange de roseaux. Le vent est tiède sans volupté, le soleil doux sans ardeur ; tout le paysage enfin joli, varié dans sa monotonie, léger, gracieux, mais d’une beauté qui caresse sans captiver, qui charme sans séduire et qui, en un mot, a plus de bon sens que de grandeur et plus d’esprit que de poésie : c’est la France.