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dés et il dit, fort ébahi : « ils jouent ». C’est farce.

De Plougastel au bord de la mer on dévale au milieu des bois par une pente rapide d’où l’on découvre une partie de la rade, celle du moins qui s’étend depuis Brest jusqu’à la rivière de Landerneau. À vos côtés se dresse une falaise de rochers blancs, rayée horizontalement par des couches de silex à pic et nue du côté des flots, mais par derrière, sur le plateau, couverte de chênes et de hêtres, surchargée de feuillages, et qui, lorsque vous descendez par le vallon entr’ouvert dans son flanc, est d’une crâne tournure.

Ici l’on s’embarque, on s’évite ainsi, comme à Landévennec, de décrire le circuit de l’anse, les découpures inégales de la rade s’avançant dans les terres en mille golfes capricieux dont il faudrait quelquefois toute une journée pour faire le tour.

Avant de se mettre en mer, M. Genès eut soif et nous invita à entrer avec lui dans un cabaret de sa connaissance où, trouvant qu’on ne le servait pas assez vite, il alla chercher lui-même le vin dans le cellier et tira les verres du buffet. Comme nous redoutions fort qu’il ne payât à boire, car la revanche eût été inévitable, nous nous empressâmes de solder, d’avaler et de décamper au plus vite.

M. Genès, au contraire, voulait s’asseoir, s’attabler un peu, se rafraîchir ; il demandait des fraises et s’informait s’il y avait du café ; cependant le batelier nous attendait, la marée était haute, il fallait partir.