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allaient, sans que la danse en fût troublée, et ils rentraient de suite quand ils avaient repris haleine. Pendant près d’une heure que nous considérâmes cet étrange exercice, la foule ne s’arrêta qu’une fois, les musiciens s’étant interrompus pour boire un verre de cidre ; puis, les longues lignes s’ébranlèrent de nouveau et se mirent à tourner. À l’entrée de la cour, sur une table, on vendait des noix ; à côté était un broc d’eau-de-vie, par terre une barrique de cidre ; non loin, se tenait un particulier en casquette de cuir et en redingote verte ; près de lui, un homme en veste avec un sabre suspendu par un baudrier blanc : c’était le commissaire de police de Pont-l’Abbé avec son garde champêtre.

Bientôt, M. le commissaire tira sa montre de sa poche, fit un signe au garde qui alla parler à quelques paysans et l’assemblée se dispersa.

Nous nous en revînmes tous quatre de compagnie à la ville et nous eûmes dans ce trajet le loisir d’admirer encore ici une de ces combinaisons harmoniques de la Providence qui avait fait ce commissaire de police pour ce garde champêtre et ce garde champêtre pour ce commissaire de police. Ils étaient emboîtés, engrenés l’un dans l’autre. Le même fait leur occasionnait la même réflexion, de la même idée ils tiraient des déductions parallèles. Quand le commissaire riait, le garde souriait ; quand il prenait un air grave, l’autre avait un air sombre ; si la redingote disait : « il faut faire cela », la veste répondait : « j’y avais