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n’est pas le christianisme rêveur de l’ogive, avec le souffle mystique des cathédrales gothiques, c’est plus reculé, plus latin, d’une théologie plus primitive, d’une poésie plus chaude, on se rappelle le cloître d’Arles et les grands conciles carlovingiens.

Elle était pleine. Tout le monde priait, nous seuls regardions. La foule chantait avec une joie grave, et des bas côtés, de dessous le porche, de partout, des voix puissantes reprenaient en chœur, après chaque point d’orgue de la voix grêle du prêtre officiant à l’autel. Cela sortait comme d’une seule poitrine un immense cri d’amour. Les femmes agenouillées à une même place inclinaient la tête sous leur bonnet blanc, on n’en pouvait voir le visage, mais on voyait leurs dos courbés ensemble et la file de leurs mains jointes.

Les hommes étaient debout, assis, à genoux, à toutes les places, dans tous les sens, comme ils avaient pu se mettre ou comme la fantaisie les en avait pris ; ils ne semblaient cependant ni contraints ni distraits, on sentait au contraire qu’ils existaient là comme chez eux, chacun s’isolant dans la solitude de son recueillement ou se réchauffant à l’âme de ses frères, et les attitudes de leurs corps étaient nonchalantes ou majestueuses, selon sans doute leurs lassitudes ou leurs redressements intérieurs.

C’étaient des figures graves sous de longs cheveux bruns, de rudes regards plus fauves que la lande, de larges poitrines qui respiraient d’une