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deville-Achard, il en avait l’élégance, c’en était le style. Quant à l’autre, sans doute que dans son temps il avait eu l’aimable laisser-aller de son compagnon ; lui aussi, il avait peut-être jadis pris la taille aux bonnes, injurié amicalement les garçons, été brillant sur le carambolage et distrait les ennuis de la grande route en chantant du Béranger dans son cabriolet ; mais l’âge était venu, cette neige du cœur qui avait éteint sa flamme et calmé sa voix. L’expérience d’un sage, la modération du philosophe se lisaient sur son front qu’avaient ridé les soucis de la vente et les inquiétudes du ballot. Combien dans sa vie avait-il dû écrire de lettres d’affaires ? De combien de maisons n’avait-il pas été mis à la porte ? Que de fois il avait dîné à table d’hôte !

Devant se rendre comme nous le soir à Plouharnel, ces messieurs nous proposèrent de prendre nos sacs dans leur voiture, ce que nous acceptâmes et dont bien nous prit, car de Quiberon à Plouharnel la route est fort sablonneuse, et vingt-cinq livres de plus sur le dos n’auraient pas accéléré notre marche.

Jusqu’au fort Penthièvre à peu près, la route étant connue nous ne vîmes rien de nouveau, mais nous revîmes avec ennui quelques-uns de ces bons menhirs allongeant sur l’herbe leur ombre bête.

Nous n’entrâmes pas au fort Penthièvre, ce qui étonna beaucoup le factionnaire qui, nous voyant passer, avait eu la prévenance de nous