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hôtesse qui donnait à teter à son enfant et qui l’endormait en se dandinant sur une chaise. Il n’y avait pour nous plus rien de curieux à Carnac. Nous avions vu à loisir sur le portail latéral de son église l’affreux baldaquin qui rentre généralement dans le goût de l’architecture des pâtissiers, j’entends celle qui décore ces odieuses inventions connues sous le nom de pièces montées dont les tranches d’orange confite font les arcades et les bouts de chocolat les colonnes, avec un obélisque en sucre rose terminé par une fleur, et nous avions contemplé dans l’intérieur la statue de saint Corneille, plus entourée de cordes qu’un saucisson de Lyon ne l’est de ficelles. Les cordes qui ont touché le saint ont la vertu de guérir les animaux malades, aussi y a-t-il au-dessus de la grande porte de l’église une sorte d’enseigne peinte, représentant deux paysans présentant l’un sa vache et l’autre son bœuf à ce bon saint vétérinaire. Quand ces cordes sont restées autour de lui un certain temps, elles ont acquis leur diplôme, on les emporte et on les garde chez soi, on se les emprunte de voisin à voisin et de village à village. Honteux reste des superstitions dont la France éclairée s’est purgée, dirait le National.

Nous n’en restâmes pas moins trois jours encore à Carnac, à n’y faire autre chose que de nous promener au bord de la mer et à nous coucher sur le sable, où nous dessinions avec nos bâtons des arabesques qu’effaçait le flot montant, et sur lequel, étendus en plein soleil, nous dor-