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place où les arbres cessent, vue de la mer Noire qui est bleue ; nous redescendons la forêt.

Belgrade, petit village à mi-côte, devant une grande prairie plantée. Que cela doit être charmant en été, mon Dieu ! — Quelques maisons brûlées s’écroulent. — Stéphany prend un guide dans un café grec, il nous mène voir trois ou quatre réservoirs : ce sont de grands lacs, à sec maintenant et qui font prairie, compris entre des collines couvertes de bois. — À l’extrémité du réservoir, un mur énorme pour soutenir le poids des eaux, maçons grecs qui réparaient le dernier que nous avons vu. — Fondrières où nos chevaux enfoncent jusqu’au jarret. — Nous repassons sous l’aqueduc de Belgrade : de dessous l’arche et encadrées par elle, deux grandes pentes qui descendent en vallons à plans successifs ; au fond la mer, bleu ardoise ; les pentes rousses, couleur vin de Chypre foncé, tabac brun, avec des bouquets violets par places, comme seraient de grands massifs de bruyères ; c’est un paysage vigoureux et plein de largeur.

Bulgarie ?… Thrace… Nous rencontrons des Bulgares, les jambes entortillées de cordes. — Temps de galop à travers les flaques d’eau et la boue ; le soleil se couche et m’aveugle, le galop et le froid me font pleurer, le ciel fond bleu cru, nuages bruns et noirs, entassés à ma droite les uns par-dessus les autres, longues bandes d’or horizontales qui leur font bordure rectiligne. Mon cheval m’emporte, j’arrive au haut d’une montée et je le lâche, un chien lui fait peur, je suis obligé de le tourner contre un haut bord de la route pour l’arrêter, la nuit vient. Rentrée à Péra, tou-