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plus loin ; la bêtise de notre drogman s’en mêle, force nous est donc de rester à Livadia !

Nous passons la journée à faire sécher nos couvertures et nos hardes et à fumer sur nos lits ; en bas, dans l’écurie par où l’on monte à notre chambre, c’est un pêle-mêle de chevaux, de mulets et d’hommes.

Le torrent qui passe devant Livadia grossit toujours, toute la plaine est noyée d’eau, la pluie rebondit sur les tuiles, le vent chante à travers les planches du khan.

La soirée fut employée par nous à recoudre nos peaux de bique et à y ajouter des genouillères en flocate.

Dimanche 12. — Journée épique !

Partis de Livadia à 7 heures du matin, le mieux accoutrés que nous pouvons, nous tenons la plaine que nous descendons insensiblement ; à notre gauche, au loin, le lac Copaïs est perdu dans les marais ; les montagnes sont toutes estompées de brouillard.

À 11 heures nous nous arrêtons dans le khan de Julinari, hommes et bêtes y sont pêle-mêle, les hommes sur une espèce de plancher en bois, construction carrée qui se trouve dans un coin et sur laquelle est le foyer ; les chevaux sont attachés au râtelier.

Nous avons changé de gendarme ; celui que nous venons de prendre à Livadia est facétieux et folâtre, il donne de grands coups de poing à tout le monde, rit très haut, et va nous chercher du bois, ce que notre Giorgi n’a pas même l’intelligence de faire ; le drôle nous sert encore son inévitable agneau et les éternels œufs durs, ma gorge