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ÉGYPTE

aux pantoufles rabattues dans lesquelles elle passe son pied en descendant du lit.

Puis je suis descendu dans la chambre commune, me mettre à une autre place et penser à autre chose. J’y sommeillais à demi, mal étendu sur la dure banquette de velours, au bruit des roues de la vapeur et au cliquetis des couteaux heurtant les fourchettes sur les assiettes, quand tout à coup mon compagnon est entré, les yeux ouverts, les joues pleines de rire ; il venait de voir, en entrant par hasard dans le salon des dames, nos deux conducteurs qui étaient en tête à tête avec des demoiselles des premières ; à genoux par terre, près des fillettes assises sur des tabourets, rouges, émus, sans casquettes, ils égaraient leurs mains vers le temple de Vénus, en absorbant, tous de compagnie, des petits verres d’anisette.

VII

Nous savions que Gleyre était à Lyon chez son frère, son beau-frère ou quelque chose d’analogue. Nous voilà donc, à peine débarqués, cherchant dans un almanach quelconque tous les Gleyre qui s’y trouvaient. Par bonheur nous tombons sur le vrai. Max envoie un mot et, à 11 heures du soir, nous étions déjà au lit quand Gleyre arriva. Nous causons de l’Égypte, du désert, du Nil, il nous parle de Sennahar et nous monte la tête à l’endroit des singes qui viennent la nuit soulever le bas des tentes pour regarder le voyageur ; le soir, les pintades se mettent à nicher dans les grands arbres et les gazelles, par troupeaux,