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NOTES DE VOYAGES.

de longues herbes que l’on fauchait ; un mur bas la séparait de la route. Je me suis dirigé vers le monsieur qui m’en paraissait être le maître et lui ai demandé si la maison de Mme de Warens existait encore. Sans trop attendre que j’aie achevé, ni sans trop me comprendre, il m’a adressé à un jeune homme en costume de jardinier qui fauchait à quelques pas de lui ; celui-ci a souri à ma question. Il était blond, avait l’air doux et tendre, un peu à la façon de Jean-Jacques, auquel il pouvait ressembler. La maison de Mme de Warens est détruite depuis longtemps ; il m’en a indiqué la place. Elle était située au bas d’une petite colline, à la place où il y a maintenant des arbres, sur le penchant d’un vallon, avec la montagne par derrière, le lac pour horizon, des premiers plans très étroits et des perspectives énormes. Le jeune homme ne l’a jamais vue, il y a bien longtemps qu’elle est détruite, il a entendu dire ça aux anciens. Et je suis remonté dans la voiture et les chevaux sont repartis au grand trot. Il faisait beau soleil, l’air était doux, 5 heures du soir environ.

Vevey. — Il y est venu souvent, le maître aux phrases ardentes (il a fait souvent cette route à pied), il y a rêvé sa Julie et l’y a placée. On aimerait, en songeant à lui, à s’asseoir sous chaque arbre et à contempler chaque nuage pour y retrouver quelque chose de son amie.

Hôtel. — Terrasse. — De Vevey à Lausanne, cascades sur le bord du chemin. — Vignes. — La route est entre deux murs. — Ce qui est tout à fait près de vous est aride et sec sans grandiose, mais le lac à gauche, le lac et les montagnes qui s’y regardent !