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Au-dessus des terrasses des maisons gris noir, s’élancent huit minarets, parmi lesquels les plus hauts sont ceux des mosquées de Saint-Jean et de Soliman ; quelques palmiers sortent d’entre les maisons. Derrière la ville, coteaux boisés, habités, au delà de la crête dentelée des montagnes violettes ; au Sud-Est, grande baie qui s’avance en demi-cercle dans des terres incultes et couvertes de chardons ; dans le Nord-Ouest, le quartier franc, mâts de pavillons consulaires ; entre lui et la mer, une langue de sable. Au bout de cette langue de sable, des moulins qui tournent. Avant le port, ruines d’un ancien môle où sont amarrées quelques petites barques. Toute la partie que le sultan devait visiter a été blanchie à la chaux.

Tour des fortifications. — L’ancien port des galères était compris entre la rue des Chevaliers et la muraille, maintenant fermée, comblée de débris. Partout où les murs ne donnent pas immédiatement sur la mer, ils dominent un fossé large, profond, et souvent creusé dans le roc. — Couleuvrines usées, énormes affûts de canons, beaucoup sont aux fleurs de lys de France ; l’un d’eux a été évidemment rogné. Pendant le siège, un boulet, parti de là, enleva un vase des mains de Soliman qui faisait des ablutions ; il jura qu’il rognerait la pièce et tint parole après la victoire.

Les trois enceintes se voient très bien du côté Sud-Est. Sur les murs, longues traînées de plomb fondu et de résine, elles commencent à peu près à moitié de la hauteur de la muraille.

Nous avons à gauche la mer, à droite la ville, nous plongeons dans les jardins et sur les terrasses des maisons ; çà et là, à une fenêtre, une juive ;