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qui me regarde et des moucres qui m’embarrassent. Enfin, à 6 heures et demie, tout est expédié. Sassetti qui, selon le bon frère carmélite, devait être parfaitement bien (« domani, niente, signor, niente »), va plus mal que jamais, la fièvre le reprend ; je lui donne 18 grains de sulfate de quinine, elle n’en continue pas moins. — Abou-Issa est revenu avec la lettre de Suquet qui me dit qu’on peut aller jusqu’à 20 par jour.

À 3 heures de l’après-midi, il me paraît aller si mal que je ne sais quel parti prendre, je me décide cependant à partir. Il fallait finir au plus vite et, à 4 heures et demie, je le hisse à cheval. La route jusqu’à Lebhaila (2 heures et demie) a été un supplice ; M. Amaya et moi avions le cœur serré comme dans un étau, qui ne fut un peu dévissé que le soir en arrivant. Nous avions peur qu’il ne tombât à chaque pas, de chaque côté un homme le tenait par la cuisse, le malheureux garçon ne cessait derrière moi de répéter : « Quand sommes-nous arrivés ? combien de minutes encore ? », et M. Amaya, quand je me rapprochais de lui : « Pauvre jeune homme ! pauvre jeune homme ! »

À 5 heures moins quelques minutes, j’ai dit adieu au frère Lazariste, à M. Pinna, que j’ai embrassé ; à toute cette pauvre petite maison où j’avais passé des quarts d’heure anxieux. Le soleil se couchait. Un temps de galop dans le village, avec tout mon harnachement, pour rejoindre Sassetti. Quelques « messu comb’ah crer’h » des paysans. La mule du Père Amaya marchait devant, nous la suivions avec peine, nous étions obligés de nous arrêter de temps à autre pour Sassetti,