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Musulmans, selon le supérieur, qui me paraît les estimer assez comme intelligence. — Esprit métaphysique remarquable de quelques Arabes, il a souvent été étonné de la subtilité de leurs questions. — Immoralité des populations du Liban, que le supérieur attribue au contact des Turcs, lorsque les chrétiens, l’hiver, vont habiter la plaine. Dans quelques villages le mari « vend l’usage » de sa femme à l’étranger ; il y a quelques jours, un prêtre arabe a battu un Turc qu’il venait de surprendre « faisant des saloperies » avec une femme ; quand il l’a abordé, il avait son pantalon couvert de sang et lui a expliqué le motif ci-dessus.

Je passe l’après-midi à prendre mes notes, entouré de spectateurs si nombreux que quelquefois ils me bouchent complètement l’entrée de la tente ; ils disent qu’ils n’en ont jamais vu de si belle.

Abou-Ali se présente, il est arrivé avec sa rosse au milieu de la nuit, ayant été obligé en chemin de prendre, moyennant 5 piastres, un homme pour l’aider à frapper sa bête et à la mener jusqu’ici. Il se plaint beaucoup de Joseph et dit qu’il n’a jamais vu un drogman si méchant ; le tout traduit par le frère servant de la maison, qui dîne à table avec nous, ne dit mot, et écoute de ses deux oreilles.

Le soir, au coucher du soleil, petite promenade avec le jeune frère. Les montagnes sont violettes, il y a des parties de ciel vermeil ardent, entre les haies et les branches de noyer. En rentrant, ciel tout orangé, par la fenêtre du corridor du couvent, beau soir, clair de lune très clair. Je m’en-