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étaient noirs, d’autres bleu foncé ; au fond le massif de verdure d’Aden. Je passe à travers tout : champs, rochers, ravins, enclos de pierres sèches ; Sassetti, gelé et les lèvres pâles, me suit de loin tant qu’il peut.

Aden. — L’entrée d’Aden est charmante : massif de noyers au milieu de grosses pierres blanches, la route sous des arbres suit un cours d’eau, le versant droit de la montagne est planté. Le cerveau me bat dans le crâne et me fait mal à chaque mouvement du cheval. Je demande à un capucin où est le couvent des Lazaristes, il me fait signe que c’est au milieu du pays, ce qui me fait m’arrêter à un grand khan en pierres, où un cheval arrêté faillit tuer le mien à force de ruades. — J’arrive enfin au couvent ; grâce à ma pantomime, je suis reçu par un jeune frère fort timide, qui ne sait trop comment s’y prendre. Il me réveille une heure après pour manger ; je dormais d’un sommeil de mort et je préfère continuer mon sommeil ; il ne fut pas long à cause de la quantité de puces qui me torturèrent toute la nuit.

Jeudi matin. Promenade au bout du pays, jusqu’à une petite élévation d’où l’on voit Tripoli, au bout de la plaine, au bord de la mer. Nous causons des Maronites, il me paraît sur la réserve à l’endroit de la question. Il y a quelque temps des ministres anglais de Tripoli voulurent venir passer l’été à Aden, ils furent obligés d’en partir sur la menace que leur fit le sheik maronite de brûler leur maison. Le même fait se renouvela une seconde fois, cette fois il y eut menace de brûler la tente. La chose alla au divan de Beyrout, et le droit resta aux Maronites, les ministres retour-