Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/369

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

village de Bercharra. Deux hommes arrivent et indiquent aux moucres la route à prendre pour regagner le bon chemin : nous ne devions pas descendre, mais suivre tout droit, sur la droite, à partir des cèdres. Il s’agit de monter une colline presque à pic, ou du moins en pain de sucre, nos chevaux s’en tirent à grand renfort d’éperons ; quant aux bagages que j’attends en haut près de trois quarts d’heure, tout fut renversé et l’on fut obligé de porter la charge de trois mulets sur le dos.

Pendant que je suis là, sur le derrière de Bercharra, regardant la montagne qui est devant moi (côté de la vallée) avec ses teintes rouges, places cultivées, ses crêtes grises éclairées, ses vallons déjà dans l’ombre, et les étendues montueuses qui continuent plus loin, confondues dans une couleur vaporeuse bleu noir, une vieille femme, au visage doux et en cheveux gris hérissés, vient m’offrir dans un pot du riz bouilli. Elle a sur le sommet de la tête une sorte de cône en argent, évasé par le haut et haut de trois pouces environ ; cela se met sous le voile et a le dessus un peu convexe. Une grande et mince fille blanche, l’œil bleu, la dent blanche et l’air bon enfant, vient peu de temps après se mettre à côté d’elle, à la bride de mon cheval. Tout ce que je comprends à ce qu’elles me disent, c’est qu’elles m’engagent à rester ici, à passer la nuit chez elles ; je vais me perdre en route et n’arriverai à Aden qu’après le coucher du soleil. La jeune fille me fait un œil des plus engageants, sa figure épanouie rit comme un printemps, et la vieille femme, se plaçant derrière elle et me la désignant, me fait le