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arriver, on traverse une petite gorge de rochers, où le vent soufflait si fort qu’il en soulevait les fontes de nos pistolets. De là on a toute la vue de Damas, ville blanche, avec ses minarets pointus, au milieu de l’immense verdure qui l’entoure ; à la ville se rattache dans le vert une longue raie blanche : c’est l’interminable faubourg que nous avons suivi quand nous sommes arrivés de Jaffa, et toute cette verdure est entourée du désert, entourée de montagnes. Nous essayons de revenir par un chemin, nous nous perdons et arrivons à la porte d’un jardin ; nous avons rebroussé chemin, pris la route pavée de Beyrout, et après avoir traversé toute la ville, les chiens commençaient à grogner, nous sommes rentrés chez nous, le soleil étant couché. Les chiens, gras et tranquilles, occupent les rues, le soir ; dans chacune, une bande de cinq à six. Aujourd’hui, au milieu de la rue, une chienne, couchée sur le dos, allaitait toute sa portée sans que personne ne songeât à l’inquiéter.

À peine la nuit arrivée, on ferme les portes de chaque rue. Pour revenir de chez le consul, le soir que nous y avons dîné, nous avons bien frappé à cinq ou six ; le beau c’est qu’on vous ouvre tout de suite. On donne 20 francs ou rien du tout.

Au bout du bazar des parfumeurs, dans la rue qu’on traverse pour aller à celui des tailleurs, quand nous nous rendions chez notre ami sheik Bandar, à un coude il y a un café où il y a un billard. Les Turcs, dans leur costume européen et campés sur des chaises, regardaient pousser les billes ; une espèce de bardache assez éreinté marquait les points avec une queue. L’Europe